Galoooooop !

2016, 12mn

J’achète : des pates, du beurre, des biscottes, de la brioche, de la confiture de fraise. Des lardons, du jambon. Des gâteaux. Des biscuits apéros. Du gruyère, du parmesan, de la sauce tomate, du pâté, des carottes, des pommes de terre, un concombre, de la confiture d’orange, des boites de conserve. De la bière. Dans la voiture. Je m’assois à l’arrière, plus tard, je monte à l’avant. Je monte à l’avant de la voiture, plus tard, je conduirai. J’ai acheté des bonbons.Des malabars, des rouleaux de réglisse et des bouteilles de coca. J’ai acheté un malabar, un pain au chocolat. Je regarde le dessin-animé, je regarde le film. J’entre dans le magasin.J’entre dans la librairie.J’entre dans le magasin, je regarde les disques. Je regarde les cassettes, je choisis le disque. J’ouvre le cahier. Je regarde les images, je m’endors. Le réveil sonne. Je descends les escaliers, la radio est allumée, je remonte, je me douche, je m’habille. J’ouvre la porte du garage, je m’endors. Je m’endors et me rendors.Le jour, la nuit. J’arrive au moment où je pense à moi. Je ne regarde pas ce qui m’entoure, je pense à ce qui m’entoure. Je ne regarde que ce que je regarde, et ne peux pas regarder ailleurs que ce que je regarde. Ce que je regarde me regarde. Alors je passe par tout les endroits où je peux me regarder, puis, au bout d’un moment, je ne me regarde plus, ce sont mes amis qui me regardent, je ne me vois plus que dans le regard des mes amis qui me regardent, qui sont les amis que j’ai rencontrés, en traversant des endroits, qui sont devenus, mes amis, ces endroits sont mes amis, mes amis sont des endroits, au bout d’un moment, je n’habite plus que ces endroits qui m’habitent, ils m’embarassent, je suis embarassé de beaucoup d’endroits, et de beaucoup d’amis. Auuuuuuu pas. C’est bienenen. On reste au pas. On détend les rênes. Allez, faut qu’il s’détende, faut qu’il baisse l’encolure ! Regarde moi… Laisse filer les rênes entre tes doigts. Tu les prends dans tes mains et tu les peignes du bas vers le haut, du bas vers le haut, coooomme ça, voioioilà, c’est bien, c’est bienenenen… Accompagne bien avec ton bassin, regarde, regarde la marque des postérieurs, tu vois comme ils s’posent dans celles des antérieurs ? Et ben c’est ça un ch’val qui engage, c’est ça qu’on cherche : au pas, au trot, au galop. Regarde comme ibaisse l’encolure, comme il étire son dos, c’est bienen, allez, on r’prend les rênes. Les pouces vers le ciel. Les talons vers le bas les pouces vers le ciel on redresse le dos ! On se tient droit on serre les jamambes, on s’prépare à faire un bel arrêt. On tend les rêêênes ! On tend les rênes on prépare bien ses aides, le poids du corps légèrement en arrière on s’prépare à faire un bel arrêt, un bel arrêt au carré, on serre les jamambes ! A rrê teeeeeez ! A rrê teeeeeez on laisse pas filer les hanches, on maintient les jambes, joue avec sa bouche joue avec sa bouche, utilise tes doigts ! Le laisse pas prendre appui sur les rênes. Comme ça, ouiiiii ! Attention, à mon signal vous comptez six secondes dans votre tête et départ au trot. Vous comptez les crocodiles, on compte les crocodiiiiles Attentiononon… Un crocodile (deux crocodiles, trois crocodiles) quatre crocodiles (cinq crocodiles) six crocodiles… Au trot ! Trot assis. Petit trot petit trot petit trot. Prochaine diagonale on change de main on allononge sur la diagonale on passe bien dans les coins. Aaaaaallonge ! Aaaaaaallonge ! On r’passe au trop moyen avant de rejoindre la piste ! On passe dans les coins on passe bien dans les coins ! La jambe intérieure, allez pousse, pousse avec la jambe intérieure ! Auuuuuuuuu trot. Auuuuuuuuu trot. Petit trot petit trot petit trot, on reste bien dans la selle, on redresse le dos. On se penche pas en avanant ! On redresse le doooos ! Bon, on déchausse les étriers ! Ça va vous faire travailler l’assiette, allez, on déchausse les étriers, on les croise sur l’encolure, et on prépare ses aides pour un beau départ au galop ! La jambe droite en arrière la jambe gauche au contact, le poids légèrement décalé vers l’extérieueueur… Galop ! Allez ! Galop ! Galoooooop ! Galooooooop ! On passe bien dans les coins ! Te laisse pas embarquer reprends tes rênes ! Reprends tes rênes, tiens toi droit, regarde devant toi ! Te penche pas en avant. Ohhhhh ! On a un beau galop à faux, qui c’est qui galope à faux ?! Si on arrive pas à l’sentir on s’penche en avant. Eeeeet oui ! C’est l’antérieur et le postérieur qui sont à l’intérieur de la piste qui doivent avancer en premier, eeeeet oui ! Repasse au trot. Repasse au trot tu m’fais un beau départ au galop. Utilise ta cravache s’il avance pas. Voiiiiiilà ! C’est bienenen . Auuuuuuuuuuu pas. Auuuuu pas. Vous pouvez détendre les rênes. Lâche tes rênes. Vous pouvez les caresser on s’détend…

Nous sombrons dans la mollesse. «Dans les hauteurs» Je reprends le livre de Thomas. Nous rêvons d’être pris, avec les jambes, les jambes nous prennent, les bras, nous abordons les sujets délicats. Des sujets délicats. Nous fermons les yeux, nous dormons. «Dans les hauteurs. Tentative de sauvetage, non-sens.» Je reprends le livre de Thomas. Non, je ne le lirai pas. Je ne le reprends pas, je le reprendrai plus tard, il me reprendra. Nous avons pris de la hauteur, nous nous sommes répartis, chacun, de chaque côté, à chaque fois, avec légéreté, et densité, nous parcourons ce qui nous sépare, nous y revenons, nous nous y enfon- çons, et ça fait du bien. Ça fait vraiment du bien. Je veux te dire, si tu étais en face de moi, s’il y avait quelqu’un en face de moi, je reprendrai tout depuis le début, pour lui dire : fais toi du bien, fais toi vraiment du bien. Je me sens bien lorsque je sais qu’après, il y a quelqu’un. Je rencontrerai la salle, je rencontrerai les fauteuils, le noir qui tombe, les gens, les applaudisse- ments, la veste, le fauteuil, la porte, le froid, la nuit, puis, nous rentrons boire des coups, nous buvons des coups, nous n’y portons pas attention mais nous portons des coups, partout, c’est bien, ça fait vraiment du bien, porter des coups, porter les coups, porter la casquette, porter le costûme et les accessoires, tout le petit théâtre, tout le petit théâtre du théâtre du grand théâtre nous appelle,nous nous appelons de prénoms différents, et les prénoms nous rappellent, à chacun, ce que nousne sommes pas, ce que nous ne serons jamais, je ne serai jamais toi, ni toi, ni toi. Alors je me tais. Alors je reprends tout les éléments parcourus, et je décide aujourd’hui de traverser pays paysages et pièces, et la femme qui marche comprend tout ce qui l’entoure, je suis tout ce qui m’entoure, je peux le prendre bien, je peux le prendre mal, je peux refuser d’y croire, je peux continuer sans m’arrêter, je m’arrêterai lorsque je le saurai, il y a une chose que je saurai, et cette chose, je la connais déjà, je veux dire, je la transporte déjà, je la déposerai après, après moi, après tout ce que j’aurai traversé, après tout ce que j’aurai compris, j’irai la déposer avec bohneur, sans me tromper, j’irai déposer tout ce que j’aurai traversé, j’aurai déposé les fleurs, les images, ceux qui avaient disparu, ce que j’aurai oublié sera disposé, entretenu, j’entretiendrai les fleurs, mes objets. Vous savez, ils sentent ce que vous ressentez hein, si vous êtes stressés, ça va les rendre nerveux. Tu vois tout à l’heure, t’étais complètement accrochée à tes rênes… Et ben qu’est-ce qu’il a fait ? Qu’est-ce qu’il a fait Pompidou ? Des coups de cul, des coups de cul ! Pourquoi tu veux qu’il s’embête si i sait très bien qu’il peut te mettre par terre en deux secondes ! Le secret, c’est d’se détendre, tu t’détends et tu regardes droit devant toi. Allez, on décroise les étriers on rechausse. On va faire un petit enchaînement. Piste à main droite, trot enlevé, en A trot assis, départ au galop. Vous passez bien dans le coin, on enchaîne le droit, l’oxer, et le spa. Y a une foulée dans la combi, pas deux, faut bien garder l’impulsion à l’entrée du droit. Allez, tout le monde derrière Pantin, chacun son tour. Précède pas ton ch’val, te penche pas en avant accompagne bien avec les mains, c’est bien obstacle suivant ^ regarde l’oxer ^ l’oxer ^ ouiiiiii, c’est bien ! Tout le monde, tout le monde ? Venez ici, regardez moi ! Faut toujours regarder l’obstacle suivant au-dessus de l’obstacle que vous êtes en train de sauter! Sinon qu’est-ce si s’passe ? Vous perdez la trajectoire c’est plus le bon nombre de foulées et vous faites tomber la barre… Trois points ! Si vous voulez arriver au barrage et faire un super chrono, ou en tout cas, avoir une chance de vous classer obstacle suivant ! Obstacle suivant obstacle suivant obstacle suivant !

« Je préfére emprunter des voies littéraires plutôt que discursives, repoussant toujours plus avant ces moments où il me faudrait réfléchir aux mouvements qui participent à l’élaboration des objets. Que ce soit des formes littéraires ou vivantes, je reprends, rappelle, réinjecte ou reconvoque actions, lieux et situations traversés. La question du temps, du désir, de la perte et de l’oubli. Ici, je reviens en arrière : les courses d’un jeune émancipé, la maison de mon enfance, un livre, des années perdues. Ce texte est entrecoupé d’une reprise d’équitation, art de la guerre -« dresser son cheval pour le champ de bataille » – devenu, au fil du temps, activité sportive. Ou comment ces douzes années de froid, de pluie, de soleil et de sable reviennent, objet après objet, aujourd’hui, hier, demain. » Performance pouvant être jouées en boucle dans tout types de lieux : halls d’accueil, musées, loge, salle de théâtre.

Texte : Vincent Thomasset
Distribution : Anne Steffens, Vincent Thomasset

Production : Laars & Co
Coproduction : MacVal – Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne, Les Subsistances – Laboratoire international de création artistique / Lyon
L’association Laars & Co est subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication soutenue DRAC Île-de-France au titre de l’aide à la compagnie chorégraphique.

Dates passées
11.03.2017 festival Artdanthé, Théâtre de Vanves - scène conventionnée pour la danse, Vanves
24.01.2017 Avant-Scène, Cognac
02.07.2016 festival Mon Inouïe Symphonie, Dunkerque
16.06.2016 - 18.06.2016 Les Subsistances - Laboratoire international de création artistique, Lyon
28.04.2016 - 29.04.2016 La Passerelle Scène Nationale, Saint-Brieuc
02.04.2016 Mac Val, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry