Médail Décor

2014, 50 mn

Je veux avoir ce que je veux. Tout de suite.

Le plus dur c’est d’arriver à ne pas prendre en compte l’espace qui sépare le moment où je pense au moment où j’aurai ce que je veux avec le moment où j’aurai enfin accès aux objets. Ça n’est pas tant penser le moment où j’aurai enfin ce que je veux, parce queje ne sais pas ce que j’aurai, c’est plutôt, penser au moment où je serai en possession des objets qui feront je ne voudrai pas m’en séparer, que je voudrai jouer avec tout le temps.

En fait, j’ai un problème avec le fait que le temps ne corresponde à rien. Y a une durée, c’est un nombre, et ce nombre diminue constamment, mais il ne représente rien,en tout cas il représente une donnée mouvante toujours devant moi, à laquelle je pense,qui me sépare du point d’arrivée, et qui m’angoisse. J’ai l’angoisse de ne pas être en trainde faire ce que je serai en train de faire bientôt. Je n’y suis pas encore. J’y serai tout à l’heure mais je n’y suis pas encore, et l’endroit où je suis maintenant n’est pas le moment oùje serai tout à l’heure. Le temps d’attente entre le moment auquel je suis en train de penser et le moment où je serai vraiment en train de faire ce à quoi je suis en train de penser,ce temps là, ce qu’il y a entre le la pensée du moment à venir, et le moment à vivre, le fait de penser à ce moment entre deux comme un bloc entier, c’est assez vertigineux, improductif et surtout, très angoissant.

Je veux avoir ce que je veux. Tout de suite.

Le plus dur c’est d’arriver à ne pas prendre en compte l’espace qui sépare le moment où je pense au moment où j’aurai ce que je veux avec le moment où j’aurai enfin accès aux objets. Ça n’est pas tant penser le moment où j’aurai enfin ce que je veux, parce queje ne sais pas ce que j’aurai, c’est plutôt, penser au moment où je serai en possession des objets qui feront je ne voudrai pas m’en séparer, que je voudrai jouer avec tout le temps.

En fait, j’ai un problème avec le fait que le temps ne corresponde à rien. Y a une durée, c’est un nombre, et ce nombre diminue constamment, mais il ne représente rien,en tout cas il représente une donnée mouvante toujours devant moi, à laquelle je pense,qui me sépare du point d’arrivée, et qui m’angoisse. J’ai l’angoisse de ne pas être en trainde faire ce que je serai en train de faire bientôt. Je n’y suis pas encore. J’y serai tout à l’heure mais je n’y suis pas encore, et l’endroit où je suis maintenant n’est pas le moment oùje serai tout à l’heure. Le temps d’attente entre le moment auquel je suis en train de penser et le moment où je serai vraiment en train de faire ce à quoi je suis en train de penser, ce temps là, ce qu’il y a entre le la pensée du moment à venir, et le moment à vivre, le fait de penser à ce moment entre deux comme un bloc entier, c’est assez vertigineux, improductif et surtout, très angoissant.

Au sortir de l’école primaire, Joyce réfléchit. Joyce entendit parler de manifestations négatives, d’événements terribles. Au sortir de l’école primaire, Joyce choisit une langue qu’il apprendra. C’est le grand saut, le sérieux passage.

Jusqu’à aujourd’hui, Joyce regardait les fenêtres, il passait à travers, partait en tête des évènements, lisait des histoires, des livres.

Au début, les histoires des livres étaient des histoires que l’on raconte :voyager sur le dragon, dormir avec les souris, les éléphanteaux, des ânes, des chouettes.

Petit à petit, les histoires se rapprochèrent. Elles descendaient les montagnes, marchaient sur le bord des routes, le long des immeubles, près des maisons, dans les escaliers, derrière la porte, près du lit, des personnages invisibles dormaient.

Dormaient. Dormaient. Dormaient.

Désormais, Joyce avait appris à lire. Les histoires qu’il se racontait, celles qu’il entendait, ces histoires grandissaient plus vite qu’il ne grandissait.

En dehors des histoires, Joyce se réveillait, il mangeait, se lavait, s’habiller, marcher dans la rue, arriver à l’école, jouer dans l’école, regardait la fenêtre, faire ses devoirs, rentrer à la maison, prendre un bain, manger, lire, dormir.

Mine de rien, entre les activités quotidiennes, les devoirs, les cris, les jeuxdes enfants, le jeu des parents, des phrases glissaient. Des mots, des images dontles manifestations devenaient encombrantes : à l’intérieur de son ventre, Joyce entendait les animaux gratter, se tordre, accomplir des figures pointues.

Joyce, allongé sur la banquette arrière, Joyce alternait râles et postures complexes, atteignant, au bout d’un temps, la disparition des signes, manifeste.

Vos parents vous ont envoyée en colonie. Au bout de quelques jours, vous ne vous y plaisez toujours pas et vous décidez d’écrire une lettre à votre mère et à votre père.

Maman, Papa,

C’est le matin. Je vous écris sur mon lit pendant que les autres sont en train de jouer dans le jardin. Ce matin nous sommes allés voir une fabrique d’huile d’olive. Nous avons pris le bus un long moment, après nous avons visité la fabrique, puis nous sommes revenus. Tout les matins nous faisons des activités extérieures, l’après-midi, des sorties ludiques. Je n’ai pas envie de m’amuser avec les autres, je n’arrive pas à faire semblant, quand ils parlent, ils parlent de choses qui les intéressent et qui ne m’intéressent pas. Souvent ils font des blagues, je dois me forcer à rire et je n’y arrive pas. Le pire, c’est le soir. Lorsque les accompagnateurs descendent, les gens qui sont dans ma chambre font n’importe quoi jusque tard dans la nuit. Au début j’essayais de dormir, mais j’ai remarqué qu’ils s’en prennent aux dormeurs, alors je ne dors plus, je fais comme si je dors mais je n’dors pas. Ils font pipi dans des chaussures, ils font n’importe quoi.

Je tiens à vous dire que je préfère vraiment que vous ne disiez rien, j’aurais peur que ça me retombe dessus, en effet, les accompagnateurs s’entendent bien avec ceux qui ont tendance à être les chefs, du coup, ils sont un peu complices, même s’ils ne sont pas au courant de toutes les bêtises qui sont commises à la nuit tombée.

Je ne sais pas ce qui me manque, mais je sais que j’ai vraiment du mal à ne pas être dans ma chambre. Comme vous le savez, dans la cour je ne suis pas très à l’aise, mais là, c’est vraiment pire. Il faut tout le temps être livré à soi-même avec les autres. Autant je me débrouille bien lorsque je suis avec Jean-Thomas et Romain, autant là je n’ai pas trouvé de bons amis.

Normalement la colonie dure deux semaines. Je ne vais pas y arriver, lorsque j’y pense, je pleure en essayant de ne pas montrer que je pleure. Une fois, ils ont vu que je pleurais, alors j’ai menti, j’ai dit que j’avais perdu ma grand-mère. Ils se sont moqués de moi brièvement, après, ils m’ont laissé tranquille.

Je ne peux pas rester ici. S’il vous plait, est-ce que vous pouvez venir me chercher? Je pourrais même prendre le train avec un accompagnateur qui rentrerait chez lui, je sais qu’il y en a un qui revient en voiture après-demain. Je sais que vous avez besoin de vous retrouver, mais je peux rester longtemps dans ma chambre, j’aime beaucoup lire des livres, je pourrai aussi passer du temps à la Gourmette, je suis sûre que je pourrai allez dormir chez Christophe.

C’est l’heure du repas, je dois m’arrêter. Je vous en supplie, venez me chercher, téléphonez ici, je sais que normalement vous n’avez pas le droit, mais si vous dites qu’il y a une urgence ça n’est pas un problème. Demain je pourrai téléphoner, vous recevrez aussi ma lettre, peut-être le jour d’après, elle servira à vous dire ce que je n’aurai pas pu vu dire en parlant, car nous faisons la queue, et il y a toujours des gens qui écoutent ce que nous disons, en plus, ça me rendra trop triste, c’est pour ça, quand on s’est parlé hier j’ai dit oui oui tout le temps, mais en fait, ça n’était pas vrai, je voulais juste que la conversation s’arrête. Je n’ai pas le temps de relire pour les fautes d’orthographe, je dois vraiment y aller.

Des bises

Vos parents répondent à votre lettre. Imaginez leur réponse.

Mon chéri,

Ne t’en fais pas, tout va bien se passer. Nous pensons très fort à toi. Ta lettre nous a beaucoup touché. Tu sais, nous avons besoin de nous retrouver, sans parler du travail qui n’attend pas. Essaye de te faire des nouveaux amis. Quand nous étions petits, ça n’était pas facile tu sais, c’était même beaucoup plus difficile. Tu ne t’en rends pas compte, mais tu as beaucoup de chance. Je suis parti en pension à l’âge de neuf ans. Les professeur nous tapaient sur les doigts. Alors, essaie de prendre la vie du bon côté.

Profite bien de ces moments avec les hauts, les bas, même si tu ne t’en rends pas compte, ils te rendront plus fort. Surtout, essaie de ne pas attacher d’importance à tes pensées. Croie moi, si tu ne le fais pas, tu finiras par croire qu’elles sont vraies.

Allez, amuse toi bien et surtout, et ne sois pas si pressé, n’oublie qu’à ton retour, les vacances seront finies !

Je t’embrasse.

Médail décor était l’enseigne d’un magasin de tissus d’ameublement à Valence. De cette anecdote, nous n’en saurons peut-être pas plus. Elle est pourtant à l’origine d’une écriture hybride qui désorganise et réarrange la langue, les situations aussi bien que les souvenirs. Après Sus à la bibliothèque! et Les protragronistes, Médail décor est le troisième épisode d’une série de spectacles basés sur des allers et retours dans le temps. Sur le plateau, Vincent Thomasset parle, lit, raconte des histoires pendant que son double dansant, Lorenzo De Angelis, s’approprie les images et les figures proposées par le texte. L’un déplace l’autre sans cesse, le bouscule, le fait diverger. De ce duel s’improvisent des règles qui ne manquent pas de réveiller les jeux de l’enfance

«Une manière pleine d’humour de rendre compte en public,des tribulations d’un jeune homme qui, au final, n’envisagepas d’autre voie que celle d’être un artiste.» Patrick Sourd, Les Inrockuptibles

Texte, mise en scène Vincent Thomasset
Chorégraphie en collaboration avec Lorenzo De Angelis
Interprétation Lorenzo De Angelis, Vincent Thomasset
Son Pierre Boscheron
Lumière Annie Leuridan
Scénographie d’après une idée originale d’Ilanit Illouz

Production Laars & Co
Production déléguée Latitudes Prod.
Coproduction Théâtre de Vanves – Scène conventionnée pour la danse, Atelier de Paris-Carolyn Carlson / CDC.Avec le soutien d’Arcadi Île-de-France, de la DRAC Ile-de-France / Ministère de la Culture et de la Communication.

Avec le soutien à la création du Festival actoral, du CENTQUATRE-PARIS, du Centre Chorégraphique National Roubaix Nord-Pas de Calais, du far° festival des arts vivants Nyon, du Centre National de la Danse – Pantin, du Grand Studio dans le cadre des échanges avec Latitudes Contemporaines, du Théâtre Garonne – scène européenne.

Ce spectacle bénéficie du soutien de la charte de diffusion signée par l’Onda, Arcadi Île-de-France, l’Oara Aquitaine, l’Odia Normandie, Réseau en scène – Languedoc-Roussillon et Spectacle Vivant en Bretagne.

Remerciements à José Alfarroba, David Arribe, Ilanit Illouz, Anne Lemoine, Yann Lheureux, Manuel Séveri, à l’Ircam-Centre Pompidou et Robin Meier, réalisateur en informatique musicale, pour leur contribution au développement des outils informatiques

Dates passées
24.07.2018 La Biennale di Venezia, Teatro Alese Arsenale, Venise (IT)
31.03.2016 - 01.04.2016 Scène Nationale d’Orléans, Orléans
04.11.2015 - 08.11.2015 Festival d’Automne à Paris, Centre Pompidou, Paris
05.06.2015 festival Latitudes Contemporaines, Phénix scène nationale, Valenciennes
04.05.2015 - 05.05.2015 Théâtre Garonne - scène européenne, dans le cadre du festival actOral, Toulouse
26.03.2015 festival 360 Degrés, La Passerelle Scène Nationale, Saint-Brieuc
13.03.2015 - 14.03.2015 CENTQUATRE, Paris
07.03.2015 festival Artdanthé, Théâtre de Vanves - scène conventionnée pour la danse, Vanves
07.02.2015 - 08.02.2015 Ferme du Buisson, dans le cadre des Instantanées Danse (Arcadi Île-de-France), Noisiel
14.11.2014 - 15.11.2014 Atelier de Paris-Carolyn Carlson / CDC, Paris
07.10.2014 - 08.10.2014 festival Actoral, Théâtre des Bernardines, Marseille
13.08.2014 - 14.08.2014 far° festival des arts vivants (création), Nyon (CH)